Opérer à choeur ouvert

Le marketing expérientiel est une tactique publicitaire très efficace pour faire vibrer sa cible en lui faisant vivre des expériences de marque inoubliables. Et si on faisait la même chose avec son propre choeur?

À ce jour, cette chronique marketico-chorale s’est concentrée sur le recrutement de choristes et la mise en marché du concert de fin d’année. Aujourd’hui, j’ouvre la réflexion et du même coup, possiblement, les horizons. Et si on profitait de nos expériences chorales uniques pour nourrir nos communications?

L’idée m’est venu un lundi soir humide de février dernier. Ce soir-là, nous (l’Ensemble vocal Sainte-Anne Singers) recevions l’incomparable Roseline Blain qui avait gentiment accepté de se joindre à Margo Keenan pour co-diriger la répétition. L’exercice fut juste passionnant. Les yeux des choristes étaient tour à tour rivés sur Roseline et sur Margo; on savait qu’on vivait un moment unique.

Katrina, ma collègue sop et moi on s’est dit : faut partager ça!

T’es unique, mon chœur!

Chaque chœur est différent. Les chef.fes, les choristes, les accompagnateurs.trices, les répertoires – les lieux même! – sont des éléments qui le font vibrer d’une façon qui lui est propre. C’est cette énergie première, totalement verte, entièrement renouvelable (sauf peut-être dans le cas des ténors, un métal rare!) qui doit être la matière première de nos communications.

Mais comment transmettre une énergie qui se vit en silo dans un sous-sol d’église ou un gymnase d’école, monsieur le chroniqueur? C’est simple! Il faut juste opérer à chœur ouvert! Et je ne parle pas ici de « portes ouvertes », bien qu’il s’agisse d’une excellente stratégie d’acquisition. Je pense à quelque chose de plus actif, qui implique chef.fes et choristes dans un contexte de collaboration « transchorale ».

L’atelier de travail avec Roseline Blain en est un bon exemple. D’un côté, Roseline pouvait voir notre chœur travaillait, de l’autre, les choristes vivaient une expérience de travail autre, complémentaire. Win-win-double-grin. Un merveilleux contenu à partager sur les médias sociaux.

Au cours des dernières années, j’ai eu l’occasion de collaborer avec plusieurs chœurs. Avec chacun d’eux, j’ai vécu des moments uniques, tous dignes d’être communiqués. J’ai donc puisé dans ces expériences personnelles pour illustrer mon propos.

Premier exemple

À Terrebonne, les Voix des Moulins, le chœur Euphonie et l’Orchestre classique de Terrebonne décident de se réunir pour célébrer le 300e anniversaire de la paroisse Saint-Louis-de-France en offrant à la population locale un Sacré vendredi. Au programme, rien de moins que Les sept paroles du Christ de Dubois et le Requiem de Fauré.

Quelle magnifique idée de rassembler tout ce beau monde autour d’une expérience impossible à vivre autrement! Qui plus est, la merveilleuse Alexandra Bouliane tend la perche à d’autres choristes pour se joindre au groupe. J’ai donc pu vivre avec eux la joie de se retrouver dans un contexte d’apprentissage différent, sous les baguettes combinées de trois chefs (une expérience unique dans une expérience unique!).

Pour moi, la grande histoire de ce spectacle était d’abord cette union temporaire, mais solidaire. J’ai déjà hâte au 350e ;)

Second exemple

J’ai chanté pendant plusieurs années avec l’Ensemble vocal Les Enchanteurs de Sylvain Cooke. Le trademark des Enchanteurs est le contagieux plaisir qu’ont les choristes à chanter ensemble. Chaque occasion est bonne de se faire aller la glotte, tantôt dans un camping, tantôt à un événement caritatif, tantôt lors de célébrations municipales. Les Enchanteurs trackent large.

Ce plaisir de chanter ensemble s’illustre aussi dans des moments plus tristes. Même si je ne chante plus avec eux – chorégraphies et genou droit scrap v(f)ont mal ensemble –, je réponds toujours présent lorsqu’ils sont invités à chanter à des funérailles. J’en suis à mes 48e depuis 2017 et chaque fois, nous y vivons un moment unique. Entre nous, juchés dans le jubé, mais aussi avec les familles des défunts qui nous prouvent de fois en fois le grand bien que nous leur apportons.

Au-delà du spectaculaire show de fin d’année avec band, danse, éclairages et mise en scène, c’est aussi ça l’expérience Enchanteurs. Une bonne partie de leurs fans les ont découvert lors de ces célébrations, y compris de nouveaux choristes.

Troisième exemple

Depuis plusieurs années, le Chœur Enharmonique de Julien Patenaude va chanter la Noël aux femmes du Chaînon. Je l’ai fait deux fois. À chaque occasion, je me suis demandé qui vivait l’émotion la plus forte : ces femmes résilientes à qui l’on offrait un doux moment de réconfort musical ou nous-mêmes qui étions accueillis dans leur réalité transitoire? J’ai éventuellement conclu qu’on sortait toustes grandis de l’expérience.

D’autres exemples en vrac

On voit régulièrement surgir un projet faisant appel à la communauté chorale. J’ai ainsi pu chanter deux ans de suite avec un chœur créé uniquement pour chanter la messe de minuit du souper de la veille de Noël des boys de la Maison du Père, sous la direction de Marlène Drolet. Humainement transcendant.

Ce type d’expérience peut se vivre à l’intérieur d’un chœur. C’est une excellente façon de favoriser d’enrichissantes rencontres (et de recruter de nouveaux choristes!). Ainsi, l’ensemble Carpe diem de Frédéric Vogel a ouvert son chœur à des choristes qui comme moi souhaitaient changer le Requiem de Mozart et une partie du Messie de Handel. Le Chœur de l’Arthémuse de Rémi St-Jacques qui avait besoin de voix graves l’a fait aussi, de même que Martin Dagenais pour le magnifique concert du Chœur classique de La Prairie qui combinait le Gloria de Rutter et la Cantate pour une joie de Mercure.

J’ai vécu avec tous ces chœurs des moments uniques et je sais que je serais toujours partant pour en vivre d’autres avec eux – j’ai d’ailleurs participé à deux autres concerts du chœur de La Prairie… quand je vous dis que c’est une excellente stratégie d’acquisition!

Et vous, comment ouvrez-vous votre chœur?

La majorité des chœurs (f)ont des activités qui débordent de leur spectacle annuel. Tous ces moments spéciaux s’avèrent de précieux vecteurs de communication et de différentiation. Faut en profiter.

Une cheffe qui invite une autre cheffe. Un chœur qui se joint à un autre chœur. Des chœurs qui invitent des choristes de l’externe. Voilà de fort belles façons d’opérer à chœur ouvert et de faire vivre des moments uniques à tout votre monde.

Outre leur formidable incidence sur l’expérience choriste, ces expériences sont de fabuleuses histoires à raconter pour renforcer les liens avec votre auditoire, donner le goût à d’autres choristes de se joindre à vous et éventuellement vendre des billets. Y a pas, tout revient toujours à ça ;)