Les amis d’Ogilvy Toronto repartent à l’attaque, cette fois en visant les présumés responsables de toute cette cosmétisation virtuelle du corps des femmes dans la pub, les infographes et autres DAs.

Comment? En créant une Action Photoshop, ces recettes toute faites de routines photoshop qui permettent aux photoshoppeux de sauver du temps en appliquant automatiquement l’effet recherché plutôt que de le faire à la mitaine.  OK, mais encore?

L’application permet supposément de créer sur les corps un effet d’halo chic, chaleureux, sexy.  Mais c’est en fait un cheval de Troie. De fait, ce que l’application fait, c’est un mother of all undos qui ramène la photo traitée à son état original.  Surprise pour le chirurgien esthétique virtuel qui croyait mettre une dernière touche à son oeuvre, il se retrouve avec l’affreux corps original de la mannequin qu’il tentait de sauver de la pichounitude.  Apparait du même coup un message de Dove pour les sensibiliser à l’importance de la véritable beauté and so on.  Touché!  Touché?  Voyez par vous-même, on s’en reparle plus bas.

Je lisais quelque commentaires de l’article publié sur Digital Buzz et sur le coup, comme vous frt probablement, j’étais plutôt d’accord avec ceux qui rabaissaient la tactique, jugeant que c’était un coup d’épée dans l’eau, que Dove ne visait pas la bonne cible, que ceux qui utilisent ce genre de raccourcis sont des amateurs, gnagnagna.   Dans un certain sens, ils avaient en effet raison.  Pris au pied de la lettre, cette campagne avait très peu d’impact.  Pour voir si le fait de viser 2-3 infographes allait changer l’industrie…  Mais what if le véritable but de cette campagne était tout autre?

Bienvenue dans la campagne de masse 2.0 :)

À une certaine époque, voilà quelques milliers d’années, les campagnes publicitaires visaient à rejoindre le plus grand nombre de consommateurs possibles avec un message pré-canné de 30 secondes.  Quelques centaines de milliers de dollars, un spot à TLMEP et paf!, tu viens de rejoindre instantanément – et directement – ta cible par million de têtes de pipe.  Mission accomplie.

Et ici, on met des dizaines de milliers de dollars pour créer une application pour rejoindre ces 2 pelés et ces 3 tondus?  Ça va pas la tête?  Au contraire!

La force de cette campagne réside dans la résilience de cette idée forte – cet insight comme on dit dans le métier – du trucage du corps des femmes alors qu’elles sont si belles au naturel.  À l’époque, les amis avaient réalisé Dove Evolution, un clip vidéo qui allait faire le tour de la planète et remporter des tas de prix, devenant de fait le chainon manquant entre la pub trad et la pub virtuelle puisqu’elle gagna tout autant dans les catégories Films que Numériques.  Cette fois-ci, avec intelligence, on refrappe sur le même clou, mais avec un marteau différent.  On varge sur les infographes?

Que nenni!  On frappe tout simplement à nouveau sur l’imaginaire des gens en les mettant le plus près possible de cette horreur humaine qu’est l’industrie de la retouche féminine. Les infographes ne sont pas la cible réelle de cette campagne, ils font partie du concept!  Et vous, et moi, ne sommes pas la cible non plus.  Nous en sommes le média.  La cible, c’est la prochaine personne qui sera exposée à cette campagne.  Et du moment où elle y sera exposée, elle en deviendra possiblement le média à son tour.   Même si elle s’exprime pour dire que l’idée est bonne, mais la cible mauvaise.  Keyword de la phrase précédente:  l’idée est bonne.

Et à date, ça semble fonctionner.  Par curiosité, j’ai fait une petite recherche Google sur le sujet.  Surprise, voici où l’on en était ce matin:

Une campagne ratée?  En effet :) Ceux qui la dénigrent ont complètement raté la chance de saisir l’impact réel de cette campagne.  Le fait que l’on n’ait généré que 2-3 téléchargements est totalement accessoire.  On a réussit à générer un million et demi de liens Google!   Et ce, en quelques jours seulement.  Des campagnes ratées de ce genre, j’en prend n’importe quand ;) 

Par comparaison, j’ai été voir ce que Google donnerait comme résultat sur la campagne Evolution, lancée en 2006 et accumulant ainsi des liens depuis ce temps:

Tout de même, non?  En quelques jours, on a généré 10% de ce qu’a récolté en sept ans la campagne Evolution.   Et n’oubliez pas qu’on ne parle pas ici d’Eye Balls, mais bien de liens!!!  Qui pointent vers des articles et blogues que liront des millions de consommatrices et consommtateurs d’ici la fin des temps!  Et qu’ils partageront / commenteront / likeront à leur tour. Et que d’autres verront…

L’activation des études de cas (qui sont de fait des études de cas d’activation) est une nouvelle stratégie qui peut être très payante.  On réalise une campagne très pointue – pratiquement du one-on-one -, très créative avec une budget relativement minime.  Puis on créé un case-study qu’on diffuse en ligne afin de lui donner sa véritable célérité communicationnelle (et éventuellement célébrité pour celles qui auront du succès!).

J’ai jugé des dizaines de concours internationaux et je peux vous le dire, les concours publicitaires regorgent de ce type d’auto-pub, au point où c’est devenu un genre en soi.  Certaines agences investissement énormément d’argent, d’effort et de talent dans leur production.  et ils ont bien raison.  Je suis convaincu que les juges ne jugent plus autant la pièce publicitaire en tant que telle – et son efficactité – mais plutôt l’histoire romancée de la création de la dite-pièce.

Et si ça marche pour séduire la crème de la crème des créatifs qui jugent ces compétitions, imaginez l’impact que ça l’a quand on les met à la portée des consommateurs!!!

Le 24 janvier dernier, je vous parlais ici de la suite de la campagne de Turner.  Dans ce cas-là aussi, la cible n’était pas la bonne; pour voir si le fait de faire vivre cette expérience à 4-5 personnes en faisait une campagne efficace… D’autant plus qu’on se doute pas mal que ces badauds étaient plutôt des comédiens.  Mais encore une fois, totalement irrelevant comme disent les chinois et Homier-Roy.  Au moment d’écrire le billet, le clip chiffrait à 306 vues.  Ce matin, il était à 7 019 899 vues…  Tsé. 

À ce compte-là, mon avis est que nous somme à la veille de voir naitre un nouveau genre:  les case-studies de case-studies :)