Hier soir au retour, dans le train, La Vérité m’a frappé. J’avais trouvé La Voie. Mais pour cela, j’allais devoir couper la tête de mon voisin de voyage, ou du moins me couper de la sienne, de voix…

Le train était encore en attente en gare que déjà j’étais au courant que mon nouvel ami imposé avait un gros meeting le lendemain, qu’il trouvait bien cute une fille du bureau « au beau cul », qu’il allait jouer au tennis ce soir-là avec Fred, et blablabla…

Sur la banc derrière, Mrs Chose qui donne ses instructions à fillette pour préparer le souper puis qui se fait passer papa pour lui dire d’aller la cueillir à la gare dans 20 minutes et qu’elle l’aime honey blablabla…. Debout, près de moi, une jeune femme mâche sa gomme au délicieux effluve de fraise synthétique avec la même intensité qu’elle mord dans ses mots, prise dans une interminable conversation avec sa best, fa que là j’lui ai dis tsé genre blablalba….

Putain de cell, pas parce que c’est un sans fil qu’il faille de facto devenir un sans gêne. Un peu de respect, un peu de pudeur, un peu de civisme que diable! Une conversation, c’est intime. Comme pour vos vergetures, votre chancre mou et votre herpès génital, ça ne concerne que vous. Je ne me cure pas le nez en public, pourquoi vous me la rentrer de force dans l’oreille votre conversation?!? Pas parce que la personne avec qui vous conversez se trouve à l’autre bout de la ville qu’il faille nécesssairement hurler. C’est pas un porte-voix, c’est un Nokia!

Et c’est là que j’ai réalisé qu’une balade en train, c’est un peu comme plonger dans un réseau social sans règle. Ou plutôt, c’est comme plonger dans tout plein de réseaux sociaux, en même temps! Toutes ces conversations simultanées qui se croisent, s’entrelacent, se démêlent, se chevauchent et se dissipent, tous ces stimulis, ces odeurs, ces bruits, ces mouvements… Je suis au coeur même du 2.0 dans son aspect le plus brut (sic) qui soit, dans le territoire du CGC (Commuter Generated Content). Là où on n’a pas besoin d’invitation pour suivre une conversation. Là où se faire poker est à prendre au sens littéral. Là où on n’a pas opté-in pour follower tous ces tweets, et là où on ne peut malheureusement pas opter-out non plus.

Ici, pas d’ergonomie salvatrice, ni de fonctions de gestion de l’information. Pas de fonction Block ni de fenêtres à fermer (en fait, on peut même pas les ouvrir…). Juste des vagues de conversations brutes qui viennent se briser successivement sur votre patience, érodant impitoyablement ce qui vous reste de tolérance. C’est le nouveau look Facebook, mais avec ces milliers d’items qui bougent et clignotent continuellement, son compris en Dolby Surround.

Le seul moyen de s’en soustraire? Se BRBiser, c’est à dire se brancher sur son iPod, le volume au max (et ajouter ainsi (m)ironiquement à la Mother-of-all-conversations!), se réfugier dans un bouquin assez intéressant pour se déconnecter de la tonitruante réalité ou bien encore de se plonger soi-même dans une « conversation » en textant, en tweetant, en regardant un clip sur son portable, en faisant un Sudoku, en regardant dehors les autos prises dans le trafic ou en s’enfermant profondément dans ses propres pensées… Oups! Excusez-moi… Mon iPhone sonne, c’est mon fils… « ALLÔ? OUI JE T’ENTENDS. TOI? NON, NON, TU NE ME DÉRANGES PAS, MÊME SI MOI JE DÉRANGE LES AUTRES QUI ME LISENT… QUOI? OUI, DANS LE FRIGO, TIROIR DES LÉGUMES, TU N’AS QU’À……………… »