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Crédit photo: Shelly Roy

Le chant choral à l’école – pas que de fausses notes

(CET ARTICLE A ÉTÉ PUBLIÉ DANS LE NUMÉRO DE JUIN 2023 DE LA REVUE CHANTER DE L’ALLIANCE CHORALE DU QUÉBEC)

Le chant choral à l’école est possiblement la façon la plus accessible et la plus sociale d’y faire de la musique. Rencontre avec Jean-Michel Lemire, un prof de musique tout aussi accessible et qui croit que l’apport du chant au cheminement des élèves du secondaire est tout, sauf… secondaire.

La musique doit continuellement revendiquer sa place dans les matières académiques. Dans un système scolaire en questionnement constant, où le métier de professeur est mis à mal et où les budgets s’étalent, s’étiolent et se fractionnent, la chose musicale semble être le dernier souci des décideurs. Les raisons invoquées, lorsqu’elles le sont, ne sont pas toujours claires. Ça coûte cher, ce n’est pas utile, c’est élitiste, name it, la liste est longue…

Et si la solution passait par le chant en groupe? Très peu d’écoles secondaires offrent des activités de chant choral. Pourtant, il est démocratique, accessible, peu coûteux, et ses bienfaits ne sont plus à prouver. Ainsi sur le site du Réseau choral des écoles québécoises, on apprend qu’outre le fait qu’il développe le sens musical, le chant choral développe l’attention et l’apprentissage, améliore la communication avec les autres, libère des tensions, permet d’évacuer les pensées négatifs, donne confiance en soi et fait travailler la mémoire. Quand même pas mal, pour une activité qui demande juste un cartable, un crayon et un beau sourire, non?

Ce sont sur ces mêmes valeurs que table la concentration-musique de l’école secondaire Curé-Mercure de Mont-Tremblant. Jean-Michel Benoit, un des deux professeurs du programme m’explique. « C’est un programme non élitiste qui s’étend tout au long du secondaire. La seule chose exigée, c’est une sixième année réussie. Il s’adresse à des jeunes qui ont un intérêt pour la musique, mais très peu d’entre eux jouent déjà d’un instrument. » Le programme repose principalement sur l’apprentissage d’instruments à vent, mais aussi du solfège, de la musique assistée par ordinateur, et du chant choral.

Faire chanter des ados en chœur : l’art de créer les conditions gagnantes

Quelles sont les motivations de ces jeunes? « Contrairement à ce qu’on peut penser, c’est universel : les jeunes sont curieux. Et ils adorent la musique, m’explique Jean-Benoit. Ils sont beaucoup plus ouverts d’esprit que l’on croit. Par exemple, je suis fasciné de voir à quel point la musique de la Renaissance va les chercher, tout de suite. Ils trippent! »

Mais tout de même, monsieur le professeur, le chant choral, ça ne doit pas être l’intérêt premier d’un ado. « Il faut y aller graduellement. Les faire chanter dans des contextes où on sait que ça sera une victoire. Au secondaire 1, on commence avec des trucs à l’unisson, puis en canon. Au fur et à mesure qu’on divise les voix, les jeunes comprennent l’étendue de la chose. Lorsqu’ils réalisent l’accord qu’ils viennent de faire avec des divisis, ils trouvent ça juste malade! »

Et l’influence des plus vieux agit sur les plus jeunes. En écoutant ce que font les secondaires 4 ou 5, ils réalisent ce qu’ils seront capables de faire éventuellement. « On est une grande famille, explique Jean-Michel. Tout au long du secondaire, chaque cohorte (28 élèves) se suit à travers tous les cours. Et on favorise le mélange entre les années. Ainsi, l’orchestre à vent des plus vieux accompagnera le concert choral des plus jeunes. »

Le rôle du prof? « Je m’assure que les jeunes progressent de petite victoire en petite victoire. À leur propre rythme. Oui, celle qui a de la difficulté va peut-être rater la moitié de ses notes. Mais au prochain concert, ça va descendre à 25 %. On ne lui fait pas sentir qu’elle scrappe le travail de tout le monde. C’est la même chose pour le jeune qui mue. On lui trouve une place, on le fait se sentir compétent. Oui, sa voix va peut-être aller dans tous les sens, mais c’est la vie. Pas question de laisser personne derrière ». Une leçon pour tout le groupe.

« On vit dans une période d’instantanéité, remarque Jean-Michel. Or, la musique est une matière qui nécessite de s’investir. Tu ne peux pas te dire que tu vas jouer tel instrument puis que tu vas savoir en jouer le lendemain. Une fois qu’ils ont compris ça, ça va les aider pour le reste de leur vie. Et pas juste en musique. Dans tout! »

Tous en chœur pour le chant choral au secondaire

Outre le précieux apport de programmes tels que celui de l’école Curé-Mercure, le dévouement de profs qui ne comptent plus les heures et l’important travail de débroussaillage et de formation effectué par le Réseau choral des écoles québécoises, les chœurs ont eux aussi un rôle à jouer.

Plusieurs chœurs offrent un tarif étudiant. C’est bien. Mais encore faut-il que les jeunes soient intéressés à chanter. Il faut donc penser plus loin. Pourquoi ne pas aller chanter le concert de fin d’année dans les écoles? Créer des activités parascolaires? Inviter les jeunes à participer à des répétitions spéciales?

La rencontre de ces deux mondes ne peut qu’être gagnante. Écoutons Jean-Michel à ce sujet : « Je chante avec le chœur de l’Art neuf. On a réalisé qu’il nous manquait un 15 minutes pour combler le récital de fin d’années. Je leur ai proposé d’amener mon ensemble vocal parascolaire, 12 élèves qui bouffent du chant choral. Les jeunes ont fait la première partie. Ils ont trippé solide! Certains d’entre eux sont venus me voir après pour me demander si je croyais qu’ils pourraient se joindre au chœur de l’Art neuf après leur secondaire! »

Ces jeunes ont vécu une expérience unique (les « vieux » aussi d’ailleurs!). « Ce genre d’expérience abat les idées préconçues, remarque Jean-Michel. D’un côté, ça détruit la perception que les jeunes n’aiment pas le chant choral. De l’autre, les jeunes constatent que les vieux, ça ne chante pas que des choses de vieux! »

Nous sommes des milliers de choristes au Québec. Si chaque chœur amateur se donnait la peine de se rapprocher des jeunes, qui sait? Peut-être que la rencontre de ces deux mondes pourrait faire de nous de meilleurs choristes, des gens plus heureux, des chœurs plus diversifiés et inclusifs et une société plus heureuse parce que plus chantante? D’ici là, Jean-Michel continue ses efforts, une note à la fois.

Écoutez l’entretien complet avec Jean-Michel Lemire sur VOCALISES.ca