Monique Richard – cheffe de choeur

Pour sa deuxième édition, le Festival de chant choral de Montréal met la francophonie à l’honneur. Et qui de mieux placée que sa cheffe invitée pour nous en parler… et même nous en faire chanter des bouts? Parole à Monique Richard qui en a long à dire sur la question!

VOCALISES : Monique, quelle a été ta réaction quand l’organisation du Festival t’a invité à y participer comme cheffe invitée?

Monique Richard : J’étais surprise! Qu’on m’invite, moi, alors que le festival n’en est qu’à sa deuxième itération est tout un honneur. Je me suis demandée ce que j’allais bien pouvoir offrir. Après tout, le chant choral au Québec est en santé. Vous avez tout plein de choeurs bien actifs. Vous avez de la formation universitaire pour les chefs et cheffes. Vous avez l’Alliance. Puis je me suis dis que j’amènerais l’angle de la culture francophone.

Au fil des ans, lors de rassemblements choraux à travers le pays, on se retrouve toujours une poignée de chefs et cheffes francophones et on a du plaisir à partager. De pouvoir discuter – en français! – de chant choral avec des personnes comme André Dagenais du Manitoba, Laurier Fagnant de l’Alberta et Roseline (Blain), ça nous permet d’échanger, de faire le point où on en est, de grandir et d’évoluer. C’est un peu cette énergie que je souhaite amener au Festival, mais dans un cadre ouvert à tous et toutes.

VOCALISES : Au Québec, on oublie parfois qu’on n’a pas le monopole des choeurs francophones au Canada. Comment se porte le chant choral au Nouveau-Brunswick?

Monique Richard : Quand j’ai commencé, c’était un milieu super dynamique! Ça chantait dans les communautés, ça chantait dans les écoles. Le mouvement À coeur joie était très actif, il créait des échanges entre chefs, choeur et régions. C’est ainsi que j’ai rencontré Patricia Abbott – nos choeurs se visitaient – ou bien Louis Lavigueur qui était venu dirigé aux Choralies internationales de l’Acadie. Entre choeurs francophones, on se réunissait, on découvrait du nouveau répertoire, le milieu était en bonne santé.

Mais avec les coupures scolaires, on se retrouve avec de moins en moins de chorales de jeunes. On se retrouve donc avec des chorales communautaires vieillissantes, sans relève. À l’Université de Moncton où j’enseigne, quand j’accueille de nouveaux étudiants en musique, je dirais que peut-être seulement 1/4 des jeunes ont déjà chanté: la plupart découvrent le chant SATB pour la première fois. Mais une fois qu’on met les choses en place, les choses évoluent rapidement. Les étudiants adorent. Ils découvrent leurs voix, ils découvrent le plaisir de chanter ensemble. Pas qu’ils n’étaient pas intéressés au chant choral avant : ils n’y étaient juste pas exposés.

VOCALISES : Tu te donnes comme mission d’être une passeure culturelle. Qu’entends-tu par là?

Monique Richard : Au Nouveau-Brunswick, quand un groupe anglophone rencontre un groupe francophone, tout se passe en anglais. Il est important pour nous d’avoir des milieux de vie où on peut vivre notre langue, notre culture. C’est pourquoi on a des systèmes scolaires distincts. Ce n’est pas qu’une question d’avoir accès à des écoles francophones, mais d’avoir accès à des programmes d’étude différents, de pouvoir vivre notre culture.

Les choeurs sont un véhicule important pour notre langue et notre culture. On a d’excellentes chorales au Nouveau-Brunswick. Le chant, c’est notre instrument. C’est notre fierté d’être francophone. C’est une source d’énergie qui nous amène à vouloir continuer et à garder cette musicalité unique qui fait qu’on gagne dans des concours internationaux, même si on est une minorité. C’est ce dont je veux parler avec les personnes qui seront au Festival de chant choral de Montréal. Je pense que vous avez cette même flamme.

VOCALISES : Tu viens au Festival avec un de tes choeurs, le Chœur Beauséjour. Parle-nous un peu de tes choeurs.

Monique Richard : Oui, je serai à Montréal avec le Choeur Beauséjour, un choeur de 45 femmes. On y donnera un concert en soirée, le premier jour. Le lendemain matin, les gens seront invités à se joindre à elles pour un atelier où nous travaillerons quatre pièces que nous chanterons ensemble le soir même.

Je dirige aussi le Choeur Louisbourg, un choeur de chambre qui se spécialise dans la musique de la Renaissance et de l’époque baroque. On fait régulièrement appel à des musiciennes et musiciens qui jouent des instruments d’époque.

Il y a aussi le Choeur du Département de musique de l’Université de Moncton et j’ai fondé le Chœur intergénérationnel du Faubourg du Mascaret où cette fois, plutôt que de faire venir les choristes à nous, nous nous rendons dans le milieu de vie de personnes ainées qui ont une expérience chorale, mais qui ont perdu leur mobiilité. J’y amène des étudiants en musique et c’est une expérience fabuleuse.

VOCALISES : Revenons au Festival. Quel sera ton rôle?

Monique Richard : Outre les concerts et l’atelier mentionnés, je donnerai une conférence le samedi après-midi sur le rôle du chant choral comme moyen de s’exprimer et de garder notre langue et notre culture bien en vie. Je ferai également partie d’une table ronde où nous approfondirons la question. Et ce qui est intéressant, c’est que tout ça se veut interactif et sans prétention. J’aime parler, j’aime échanger : le public va donc pouvoir interragir! Ça sera pour moi un honneur de pouvoir amener ma perspective et d’échanger avec les choristes et les cheffes et chefs de choeur.

VOCALISES : Parlant public, à qui s’adresse ce festival? Doit-on absolument être une choriste expérimentée ou un chef ceinture noire 8e dan pour y participer?

Monique Richard : Pas du tout! C’est ouvert à tout le monde qui s’intéresse au chant choral. Rien de formel, ni de passif. Les gens vont pouvoir écouter, mais aussi parler, échanger et surtout chanter! Au programme, l’Agnus Dei de Christopher Ducasse, un compositeur haïtien qui habite Montréal. Dans la baie de Cocagne, un texte d’un de nos poètes acadiens Raymond Guy LeBlanc, arrangé par Richard Gibson de l’Université de Moncton. Et deux extraits de motels de Stephanie Martin, l’excellente compositrice canadienne.

VOCALISES : C’est important ce genre d’événement?

Monique Richard : Oui. Ça nous amène à réfléchir qui on est là-dedans. On se sent seul en Acadie. Toujours se battre pour la langue et pour la musique en milieu scolaire, ça devient lourd. Pouvoir nous retrouver ensemble, ça va nous dynamiser. Ça va donner lieu à de beaux échange, à court et à long terme. En Acadie, on est des gens simples, on a le goût d’aller vers l’autre et de grandir à travers ces expériences-là. Avec mes choristes, on amène une dimension qui ne serait pas abordée si on n’y était pas, mais nous aussi on va apprendre beaucoup.

VOCALISES : Et nous donc!

 

(MÀJ LE FESTIVAL A ÉTÉ REPORTÉ À 2024)

Ne manquez pas la chance de rencontrer Monique et de chanter avec elle à la deuxième édition du Festival de chant choral de Montréal qui aura lieu du 20 ou 22 octobre 2023.

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