Avant ma carrière (miron) en numérique, il y a eu un normand pas mal plus trad.  Très très trad, même! Car avant ma dizaine d’années pré-ouèbe comme service-conseil, il faut savoir que j’ai fait mes premières armes en publicité pharmaceutique (le diproprionate de béclométhasone, ça vous dit quelque chose?). Retour vers le futur.

Le pharma, comme on l’appelle, est un milieu très strict, ultra autolégiféré et encore aujourd’hui, immensément tourné vers l’imprimé et le marketing direct. Ça se comprend. C’est du B2B qui vise une clientèle spécialisée, les professionnels de la santé.

Alors chaque nouvelle campagne de pub venait avec son inévitable déclinaison DM. Du simple petit slimjim au complexe détail aid 6-couleurs aux die-cuts compliqués et aux effets origamiques spectaculaires, money was not an issue.

Durant cette période, on commençait voir se poindre le bout du nez des technologies d’impression personnalisée qui permettaient d’ajuster le message, oui par l’intégration du nom du récipiendaire à même la pièce imprimée, mais dans son contenu lui-même.

Le geek en moi trippait solide! Wow. De la pub personnalisée. Le principe conversationnel d’un émetteur et d’un récepteur, tel que je l’avais appris dans mes cours de communication, devenait possible en pub de masse. Fortiche.

Et c’est cette même quête qui m’amena au tournant du siècle à faire le saut en numérique, pendant que les publicitaires trads se grattaient encore la tête, se demandant comment ils allaient affronter cette bête, qu’on qualifiait de fad à l’époque. Le multimédia qu’on appelait. On sait comment s’est déroulée l’histoire par la suite.

Et aujourd’hui, depuis un mois déjà en fait, c’est pour moi un retour vers le futur. L’interactive creative dude s’en va bosser en marketing direct. Douce (m) ironie! Et chez un des plus grands joueurs du pays dans cette catégorie, Postes Canada elle-même!

Cette fois-ci, mon rôle sera d’observer latéralement les innovations qui se font dans ce secteur. Car de fait, mon rôle consiste à valider les traductions de documents et pièces marketing de l’anglais vers le français. Pas qu’au niveau de la langue, au niveau du sens aussi. Car en 30 ans, j’ai pu remarquer que dans ce type de traductions, le français tenait la route, mais le sens du message, pas tout le temps. Pas souvent.

Bref, tout ça pour dire que je suis maintenant dans une position privilégiée pour voir comment vieillit (rajeunis?) le marketing direct, et surtout, comment dans cette période où la communication s’est virtualisée, le papier peut encore être utilisé à bon escient dans le mix marketing.

Ce qui m’excite présentement? L’intégration du marketing direct dans les campagnes de programmatique. Yep, vous avez bien lu. Grâce à la sainte donnée, le remarketing n’a plus qu’à se faire sur le ouèbe, par le biais d’annonces poches, comme celle de la petite jupe noire que vous aviez décidé de ne pas acheter et qui vous suit depuis ce temps partout sur le ouèbe, où que vous soyez, tel un vendeur du temple particulièrement collant.

Depuis quelques années, je sens une fatigue du numérique croître. Sur le ouèbe. Dans les médias sociaux. Sur les mobiles. Dans ma tête. Mais aussi dans la qualité du matériel. Dans la réflexion en amont. Dans son utilisation pertinente. Comme si les buzzwords remplaçaient maintenant l’efficacité. Comme si l’efficacité était maintenant tributaire des KPIs, ironiquement créés et mesurés par les acteurs même des campagnes. On s’enfarge dans les lignes (de code) du dashboard et on oublie qu’en amont, c’est de la communication qu’on fait.

De par sa nature intrinsèquement virtuelle, on ne s’inquiète plus assez du message à passer. Après tout, pourquoi s’en faire quand on peut corriger d’un seul CTRL Shift f4? Une erreur, pouf! On corrige et vlan, revoilà la bannière toute neuve, toute corrigée.

Alors quand je constate qu’on peut maintenant dévirtualiser cette « relation » en ramenant sur le plancher des vaches la « conversation », je ne peux qu’applaudir. Au cours des 20 dernières années, la notion de valeur du message en a pris pour son rhume. Parce que la pièce, virtuelle, ne coûtait pratiquement rien à produire, on s’est mis à dire n’importe quoi. L’important n’était plus le message, mais le nombre de déclinaisons.

Autant le ouèbe a-t-il ri des campagnes trads où l’on véhiculait un seul message sur plusieurs plateformes, autant le ouèbe s’est-il mis à faire de même sur ses mille et une plateformes (d’ailleurs, aviez-vous remarqué que dans le mot plateforme, y a le mot plate et le mot forme? Je dis ça, je dis rien comme le veut le vide adage).

Bon, allez, j’ai l’air aigre comme ça, mais c’est tout le contraire. Je suis totalement excité! Ce retour vers le futur où le virtuel se (re) connecte avec le matériel me laisse envisager des suites heureuses pour la communication d’affaires. Le cost to market du marketing réel (ie. les coûts de prod) forceront les dirigeants, les planneurs et les créatifs à réfléchir, véritablement, en amont.

À l’époque où j’ai sauté dans l’aventure numérique, je riais moi aussi des énormes coûts de production d’un spot télé pour véhiculer un seul et court message. Avec le recul, je réalise que ce ticket modérateur nous forçait à mettre les bouchées doubles en amont. La facilité de refaislemele du ouèbe a rendu caduque cette mécanique. En facilitant la modification après coup (sans les coûts!), on a appris à viser croche.

J’ai donc très hâte de voir de ma loge privilégiée comment se déroulera cette dévirtualisation de la relation. En espérant que les marketeurs ne traitent pas leur prochain DM comme une simple bannière.

À suivre ;)

*Ce texte a été publié à titre personnel. Il n’engage pas Postes Canada mon employeur actuel. Il ne vise qu’à partager mes réflexions sur l’évolution du monde de la communication d’affaires, comme je le fais depuis le lancement de la première version de ce blogue sous pizza4all. Vous êtes bien entendu invités à bouncer vos idées avec moi!