On a tous déjà entendu cet adage. Si on a deux oreilles, une bouche, c’est pour écouter deux fois plus que de parler. On l’a tous entendu. Mais pas sûr qu’on l’applique tant que ça dans les plans marketing. Si ça se trouve, l’état des lieux ressemble plus à 827 bouches, un lobe d’oreille. Percé. Plusieurs fois.

Ça ne vous frappe pas, vous? D’un côté, on décline les campagnes de pub sur toutes les plateformes, dans tous les formats possibles et imaginables, sans trop tenir compte du contexte (programmatique), de la pertinence (remarketing) et de la fréquence. Comme quand on s’adresse à une personne âgée, qu’on pense sourde. On parle fort. On répète. On ar-ti-cule for-te-ment cha-que syl-labe.

De l’autre côté, à peine si on tend l’oreille à ce que les gens ont à dire.

En fait, j’ai même l’impression qu’on fait tout pour empêcher les gens d’interagir librement avec nos marques. Comme si la rétroaction n’avait pas de valeur. Comme si la parole des gens n’avait pas sa place dans la relation B2C, ou pire, le nouveau dada des marketeux, le 1:1.

En fait, c’est pas tout à fait vrai. Il y a bien des points de contact destinés à la cliente qui veut s’informer sur la provenance du produit A ou du monsieur qui cherche à faire réparer son produit B. Mais bien souvent, il faut les chercher. Creux. Très creux.

Une histoire de bas de laine qui sent mauvais

Tout juste avant Noël, à la dernière minute comme d’habitude pour mes achats de cadeaux, je me tourne vers Simons. J’y trouve de jolis items qui devraient faire plaisir à chérieminoud’amour. 2-3 clics, c’est réglé. Commande effectuée. Din dents, Nowel.

Din dents Normand, plutôt. Car le lendemain, je reçois un courriel automatisé m’avisant qu’un item n’étant pas disponible, la livraison de la commande allait être retardée. Hé, ho. Noël est dans quelques jours. Pas l’temps de niaiser là, Peter!

Et évidemment, je ne peux répondre au courriel. C’est un no-reply; probablement lle summum du désintérêt avoué d’une marque à ouir sa clientèle. Que dis-je? De sa volonté d’agir (ou de ne pas agir). Juste le nom. No-Reply. C’tu assez clair? Penses-tu que la marque veut t’entendre? Une coche plus haut, et ça s’appelle Mange-La-Marde, Va-Chier ou Ferme-ta-Bouche-ou-m-a-tla-pêter.

On t’envoie un courriel – un fabuleux outil de conversation bidirectionnelle – dans ta boite perso, chez toi, mais on ne veut pas te parler. No reply at all, comme chantait Philippe.

Je me précipite sur le site pour voir si dans ma commande, y aurait pas un lien, une fonction, quelque chose qui me permettrait d’interagir avec la marque. Que dalle.

Je finis par trouver un formulaire de courriel. Naturellement, on m’impose un nombre limité de caractères (encore une fois, une preuve qu’on s’intéresse pas ben ben à ce que les gens ont à dire) et après l’envoi, un popup me félicite de cet exploir (de kossé?) et m’annonce comme si ça allait de soi que ça prendrait 48 heures, ouvrables, avant que quelqu’un me réponde. Comme si répondre à un courriel prenait plus de temps que répondre au téléphone. Quoiqu’avec les voice-jails, on a souvent l’impression d’attendre 48 heures là aussi.

Mon Noël est à l’eau? Pas t’encore.

Le surlendemain, un autre no-reply. Une partie de ma commande est en route. N’y manque que la mignonne paire de bas de laine pour garder au chaud les petits petons de ma cocotte chérie. Pas de trouble, je me rue sur Amazon, j’en trouve une semblable, je la commande.

Le lendemain, mon nouvel ami no-reply m’écrit à nouveau. Finalement, les chaussettes sont en routes elles aussi. Z’aurions trouvé une tricoteuse qui m’a pris en pitié? Bon, ben coudonc, petit lapin aura deux paires de bas.

Le surlendemain, la réponse à mon courriel formularisé au nb de caractères limités. On m’annonce fièrement qu’il y a un délai mais que tout s’en vient. Un jour plus tard dans les maritimes. #duh

Ce n’est qu’un exemple. J’ai une admiration sans bornes pour Simons. À mon avis, une des marques québécoises à offrir la meilleure expérience client. Mais si une telle marque possède des ratées du côté de la rétroaction dans son approche omnicanale , imaginez les autres.

Pourtant, on entend ad nauseam des « votre appel est important pour nous », « on vous a écouté », « vous nous avez dit ». J’ignore par où ces marques sont passées pour entendre, écouter leurs consommateurs. En tout cas probablement pas par leur formulaires de courriel ni leurs sites.

La rétroaction est fondamentale en communication. En affaires aussi.

Moi-même, tu seul, j’ai vendu deux Jetta TDI diesel à deux personnes qui s’étaient plaintes sur le blog que j’avais créé avec la gang de PALM. Le premier client, un gars avec le VW tatoué sur le cœur, avait acheté un citron (pas la Jetta TDI, une autre voiture VW). Ça arrive. Pauvre mec, toujours rendu chez le concessionnaire, chichi continuel, coûts exorbitants, garantie dégarantisée. Le dude avait écrit en commentaires sur le blog quelque chose du genre « That’s is. Beubye VW. F**k ya mononcle ».

Subito presto, j’envoie un courriel au client. Un courriel avec pas d’no-reply. On s’en jase. On contacte le dude. On règle son problème avec une passe du cochon qui tousse; le citron devient un cashdown sur une nouvelle Jetta. Client no. 1 heureux. check.

Une oreille.

Le deuxième dude veut acheter une Jetta TDI. Mais comme il habite à plus de 1000 km du concessionnaire le plus près, on lui dit que vous savez monsieur, la garantie, les rendez-vous d’entretien, blablalba. Je repogne le courriel. Après quelques replies éclairés, on contacte le monsieur. On remplit le coffre de sa nouvelle Jetta TDI de canisses d’huiles bénies par VW, on lui permet d’aller chez un garagiste X dans son bled pour les entretiens de base. Le monsieur était content, le publicitaire que je suis aussi. J’invite le monsieur à nous partager son expérience de rouler 1000 km sur un seul plein. Il ira commenter sur le blog comme un grand. Du beau storytelling, avant même qu’on commence à nous enquiquiner les oreilles (encore elles!) avec le sordi storytelling, ti frère de l’omniprésent narrative.

Deux oreilles.

Ma seule frustration. Je n’ai pas eu ma cote sur les ventes.

Deux oreilles, une bouche… gelée ben dure

On dépense des millions pour enfoncer des messages dans la gorge des gens. Comme au bon vieux temps des médias de masse. On investit dans des technologies qui automatisent de prétendues relations. On se dote de voice jails de la mort, de chatbots imbéciles à souhait, de FAQ de marde pour se faire croire qu’on entretient une conversation avec nos consommateurs.

Mais, I’m sorry. C’est pas ça qui se passe. Plutôt que de capitaliser sur les capacités de la techno à entretenir la relation client, on l’utilise comme un rempart. Une cachette. Un bouncer. Bête comme ses pieds.

Plutôt que d’améliorer l’expérience omnicanal, on en fait l’équivalent virtuel d’un traitement de canal.

Ben moi, la bouche encore tout anesthésiée, toute gonflée par cette irritante dentisterie communicationnelle,  je vous dis haut et fort : « Magner nla meruhf na gang ne meufleushissse. » Quoi la marque? Tu ne comprends pas ce que je dis? Pffff, comme si tu t’en souciais… Va donc jaser tuseul avec ton chatbof.

 

NOTE: ce point de vue n’engage en rien Postes Canada, mon nouvel employeur. Je l’ai écrit à titre personnel, sur une base entièrement volontaire, sans salaire ou honoraires. Il ne fait que s’inscrire dans la suite de mes réflexions sur notre joyeux monde de la communication marketing, partagées ici, dans des articles publiés ailleurs, dans mes conférences, sur mes médias sociaux ou autour de quelques bières.